A quinze ans, au lycée, j'ai entendu mentionner la forme japonaise de l'haïku, "petit poème extrêmement bref visant à dire l'évanescence des choses" (wikipédia). Fascinée, je me suis demandé si, dans la même sorte de tercet court, on pourrait faire tenir une histoire. J'ai essayé. Puis, quelques années plus tard, on m'a offert "La tristesse du petit enfant huître et autres contes" de Tim Burton. Ce ne sont pas des haïkus, mais quelque chose de leur esprit est là : la forme très courte, la légèreté, l'absurdité, l'évanescence, la force étrange qui se dégage de ces mots comptés... J'ai continué à m'essayer à cette forme de fictions ultra-courtes. Des "croquis" d'écrivain, en somme, qui me servaient plus d'entraînements et bases de nouvelles un peu plus longues que d'histoires "montrables" en elles-mêmes. Et puis j'ai relu les contes de Tim Burton, et d'autres "micro-conteurs", comme Lisa Falzon, se sont lancés. Le temps est peut-être donc venu... J'ai alors ressorti de petits cahiers que j'avais commencé à noircir, laissé venir d'autres historiettes, et voilà, l'aventure de ces Carnets absurdes est lancée !
When i was fifteen, in high school, I heard about the haiku, "extremely short little poem to tell the evanescence of things" (Wikipedia). Fascinated, I asked myself if, in the same sort of short-triplet, someone could tell a whole story. I tried. Then a few years later, i was given "The sadness of Oyster Boy and Other Stories"by Tim Burton. This is not haiku, but something close : the very short form, lightness, absurdity, evanescence, the strange power that emerges... I continued to try my hand at this form of micro-fiction. I considered them more frequently at new bases for longer stories than at real printable fictions . And then I re-read the short stories of Tim Burton -- and other "micro-tellers, " as Lisa Falzon, published their stories on their blogs. It's maybe time i launch myself. That's the aim of these "absurd fictions". Very often i will write in french, sometimes in english as well. I apologize for my numerous mistakes, i understand several languages but i don't speak very fluently :o)

mardi 27 mars 2012

Dans la lune

Simanta était dans la lune.

Simanta était le fils du balayeur du minuscule royaume d' N'GloN. Le balayeur balayait le sol. Toute la journée, il balayait le sol pour faire vivre sa toute petite famille avec sa toute petite paye dans le tout petit royaume d'N'Gong. Il ne voyait que cela, chaque jour : le sol. "C'est pour toi, disait-il à son fils. Pour que tu fasses de bonnes études. Que tu aies un diplôme. De bonnes notes."

Mais Simanta était dans la lune. L'instituteur le lui reprochait : "Tu es dans la lune, Simanta." Ses camarades se moquaient de lui : "Simanta, toujours dans la lune !" Sa mère, bougon, se repentait d'avoir mis cet étourdi au monde. Et son père même perdit patience. Un soir il brandit son balai et frappa d'un coup sec le garçon : "Tiens, peut-être que ça t'apprendra !". Le roi même, lors d'une remise des prix, à l'école (il n'y avait qu'une école, à N'GloN), le sermonna en levant l'index : "Il n'y a pas de place ici pour des petits paresseux ! Assez de ta lune, réveille-toi !"

Jusqu'au jour où Simanta, malgré sa médiocrité à l'école, réussit à devenir astronaute. Il partit sur la lune lors d'une mission internationale. C'était le premier représentant de son royaume à entrer dans une navette spatiale - et à faire un tel trajet, aussi. La navette se posa en pleine "Mer de la tranquillité", comme Apollo 11 autrefois.

En un sens, à N'GloN, il était le Neil Armstrong national. On l'attendit avec des ballons, quatre danseuses (c'était déjà beaucoup, pourN'GloN), une fête, un immense gâteau au chocolat (il faisait la longueur de deux tables, et c'était immense, pour N'GloN).

Et une pancarte qui proclamait : "That's one small step for Simanta, one giant leap for our Kingdom".

Un petit pas pour Simanta, un grand bon pour le royaume d'N'GloN.

Le jour du retour prévu de Simanta, tous les habitants attendaient, debout. L'instituteur, les anciens élèves, le père, la mère, et même le roi. Prêts à applaudir et chanter. Et à partager le gâteau... immense.

Mais Simanta ne revint pas.

Le gâteau, de la lune, on ne le voyait pas. Ni le roi, ni l'école, ni même le petit royaume d'N'GloN.

Aucun balai ne le chasserait jamais de la Mer de la Tranquillité.